Johan nous livre le récit brut, sincère et habité de son Val d’Aran, une immersion totale !
- Départ : 4 juillet 2025 à 16h
- Lieu : Vielha, Val d’Aran (Espagne)
- Temps de course : 22h
- Objectif : vivre un ultra total.
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« 12 jours sans courir.
Pas une foulée.
Après 143 km et presque un Everest de dénivelé, j’étais comblé… Mais vidé.
J’ai coupé.
J’ai dormi.
J’ai marché avec mon chien.
Jeûné. Respiré. Encore dormi.
Et ce matin, j’ai recouru.
Pas pour performer.
Juste pour ressentir.
Pour raviver le feu ! »
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Chapitre 1 – L’ultra commence avant le départ
Toute la semaine, j’ai préparé méticuleusement mon plan de course, mon sac de course, le matériel obligatoire (sous peine de disqualification), mes sacs de délestage et mes ravitaillements alimentaires.


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À 16h, me voilà dans le sas, contrôle du matériel par les commissaires, 40 minutes d’attente pour partir devant et éviter l’effet accordéon.
Je suis prêt. Mentalement clair. Physiquement affûté.
Mais dès le départ, la pluie s’invite. Et pas une bruine de montagne. Une vraie dégringolade céleste.
Malgré la lourdeur ambiante, je me sens voler. En état d’ivresse.
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Chapitre 2 – L’entrée en matière : Azimut brutal
Dès le km 1, 800 m de D+ brutaux. Pas de lacets, pas de répit.
La montée jusqu’à Bassa d’Oles est apocalyptique. Torrents de pluie, orages violents, éclairs pas si lointains. Des coureurs pleurent, d’autres abandonnent, recroquevillés.
Je les regarde, bouleversé.
Moi qui voulais des conditions dantesques… j’étais servi.


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Chapitre 3 – La nuit comme alliée
Les premières 12 heures passent en pilote automatique. De Vielha à Bossòst (km 60, 23h56), je déroule.
La nuit tombe, et pourtant les jambes sont bonnes, la tête tranquille. Seul et concentré.
De Bossòst à Salardù (km 99, 6h30), je poursuis seul.
Je double beaucoup. Je passe de la 141e à la 55e place sous 30 degrés humides à souhait.
Petit bémol : un échauffement sévère me handicape 4 heures durant, jusqu’à retrouver ma crème à la base-vie.
Mais cette nuit fut magique :
Villages en pierre traversés, silence, abreuvoirs d’eau pure, fontaines qui chantent.
Une nuit suspendue, hors du temps. Tout est poésie dans cette nuit-là.
Je ne suis pas fatigué. Juste en mission.


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Chapitre 4 – Colomèrs : le sauvage dans les jambes
Sortie de Salardù à l’aube. Je suis encore bien. 14h de course, 100 km, 6000 m D+ dans les jambes.
Moment critique au ravito de Banhs de Tredòs : fatigue immense.
Je m’assois. Quentin, mon beau-frère, me parle 10 minutes. Rien de technique. Juste une conversation humaine devant une cascade.
Et ça repart.


Je repars avec Guillaume Grima, finisher du Yukon Arctic Ultra. Et Pierre, qui connaît le terrain.
On affronte ensemble Colomèrs, ses sentiers taillés à flanc, ses pierriers et montées raides, ses lacs sublimes, son ambiance andorrane. Le paysage et le soleil sur la peau motivent après une nuit désagréable.
Colomèrs est dur, mais d’une beauté à couper le souffle. Je souris à nouveau.
Mon énergie revient. Je relance.
Combo gagnant au ravito : saucisson – Fanta – Haribo. Explosion de saveurs. Go.


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Chapitre 5 – Le chaos d’Arties
La troisième femme nous double. Je me mets à son service, sans un mot. Elle joue le podium. Je lui fais le train.
La descente vers Mont-Romies est fluide… jusqu’au ciel qui se déchire.
Un orage breton-style éclate. Les sentiers deviennent rivières. C’est l’enfer liquide.
Mais je ne chute pas. Je tiens.
À Arties (km 130), dernière base-vie. Je sais que je vais finir.
Il reste 13 km. Je suis boosté. Changement de chaussures. Requinquage en règle par Marianne.


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Chapitre 6 – Le mur final vers Vielha
Je pense que le final sera plat… via un second itinéraire de repli vers Vielha en direct par la Garonne
Que nenni.
On longe la Garonne 1 km… puis c’est un azimut brutal : 1,5 km pour 650 m D+ dans un mur boueux. 35 minutes d’agonie dans une montée perverse à souhait.
Je rattrape Pierre. Il est à l’arrêt. Moi je pousse.
Mais tout change en haut. Vision d’un alpage magique à l’Escanhau. L’arrivée se dessine.
Dernier ravito. Dernière descente. Piste 4×4 cassante.
C’est un saut dans le vide et un impact violent à chaque pas. Il est temps d’arriver, cela signifie que j’ai bien calculé mon autonomie car j’arriverai à Vielha sans cartouche supplémentaire, mais je tiens.
Une dernière bosse sadique, puis j’aperçois les toits de Vielha.
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Final – La cloche et mon fils
J’entre dans Vielha. Je vois Louën. Il m’attend.
Lui aussi a couru. Premier dossard encore accroché. Première médaille autour de son coup. Et il m’attend pour finir. Il est là fier les yeux brillants.
On passe l’arche ensemble. Il fait sonner la cloche avec moi.
Je ne l’oublierai jamais. Il ne l’oubliera jamais. Je ne retiens rien, c’est un moment pur.
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Depuis ce jour, j’ai coupé 12 jours.
Pas une foulée. Pas une envie.
Et ce matin, j’ai recouru. Doucement.
Pas pour les kilomètres. Pour les sensations.
Le feu est revenu.
Maintenant je sais, une fois suffit. J’y reviendrai sur ce format 100 miles, plus fort et plus rapide.